La dernière étude de l’UNESCO, réalisée en partenariat avec l’Université d’État de Bowling Green, dresse un bilan préoccupant des pratiques de vérification dans le secteur de l’influence. Cette analyse approfondie, intitulée « Derrière les écrans », décortique les habitudes de fact-checking de 500 créateurs de contenu issus de 45 pays.
La vérification des sources : le maillon faible des contenus digitaux
L’analyse révèle une faille majeure dans l’écosystème de la création de contenu : plus de 60% des influenceurs diffusent des informations sans procéder à une vérification méthodique des sources. Cette réalité est particulièrement significative chez les créateurs émergents, disposant d’une communauté de 1 000 à 10 000 abonnés. Bien que leur intention première soit le partage de connaissances, leurs méthodes de validation restent largement insuffisantes face aux enjeux de la désinformation massive sur les réseaux sociaux.
L’engagement social comme baromètre trompeur de crédibilité
Le phénomène de social proof s’impose dangereusement comme critère de véracité : 42% des créateurs considèrent les métriques d’engagement (likes, partages, commentaires) comme des indicateurs fiables de la véracité d’une information. Cette approche quantitative, couplée aux 19% qui privilégient la notoriété du diffuseur initial, illustre une confusion préoccupante entre popularité et fiabilité dans l’écosystème digital.
La hiérarchisation problématique des sources d’information
L’étude met en lumière une inversion inquiétante dans la pyramide des sources d’information. Le storytelling personnel domine largement avec 58,1% des créateurs qui privilégient leurs expériences individuelles comme source principale. Les médias traditionnels, malgré leur expertise journalistique et leurs process de validation rigoureux, sont relégués au même niveau que les médias alternatifs en ligne (36,9%). Plus préoccupant encore, les sources institutionnelles et gouvernementales ne sont consultées que par 12,6% des influenceurs, fragilisant ainsi la qualité informationnelle des contenus produits.
Un déficit critique de culture juridique et déontologique
L’enquête révèle une méconnaissance profonde du cadre légal régissant la production de contenus digitaux. La majorité des créateurs ignore les fondamentaux juridiques des communications numériques, tandis que 11,4% considèrent, à tort, que leur activité échappe aux législations sur la liberté d’expression, la diffamation et la propriété intellectuelle. Adeline Hulin, spécialiste de l’éducation aux médias à l’UNESCO, souligne ce paradoxe : bien que devenus des acteurs majeurs de l’information, de nombreux créateurs ne reconnaissent pas leur responsabilité éditoriale.
L’émergence d’une conscience professionnelle
« 73,7% des créateurs de contenus manifestent un intérêt pour une formation aux pratiques éthiques et aux normes de la liberté d’expression » – UNESCO
Cette prise de conscience collective marque un tournant dans la professionnalisation du secteur. L’UNESCO, associée au Knight Center for Journalism in the Americas, y répond par le déploiement d’un programme de formation massif. Cette initiative, qui touchera plus de 9 000 participants, vise à instaurer une culture du fact-checking et de la vérification des sources dans l’écosystème de l’influence digitale. Au programme : méthodologie de recherche d’information, techniques de vérification des faits et transparence des sources, autant d’outils essentiels pour renforcer la crédibilité des contenus produits.
Cette formation marque une étape cruciale dans la maturation du secteur de l’influence, où la qualité informationnelle devient un enjeu majeur de crédibilité et de pérennité.